Ce qui fait partie de l'état de la technique

L'état de la technique existe dans chaque système de droit des brevets. Selon l'article 54 de la Convention sur le brevet européen, "l'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt (ou de priorité) de la demande de brevet, par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen."

L'état de la technique n'a pas toujours la même signification en fonction de la territorialité du droit des brevets et des formes juridiques relatives à la protection de la propriété industrielle. Pour le contrôle d'un modèle d'utilité allemand, un autre état de la technique fait alors foi. En effet, seules les descriptions écrites ou les divulgations publiques sont reconnues comme appartenant à l’état de la technique.

Cet exemple montre clairement que diverses dispositions législatives sont à prendre en compte pour la validité internationale des publications défensives.

Différentes formes de divulgation de l'état de la technique sont reconnues. L'Office allemand des brevets et des marques donne à ce sujet les exemples suivants :

  • les prépublications et publications
  • les exposés et posters
  • les demandes de recherche et mémoires (si publiés)
  • les doctorats et rapports finaux (si publiés)
  • les visites guidées et expositions sur des salons
  • les publications de presse
  • les modes d'emploi
  • les utilisations préalables (connues du public)

Démontrabilité de l'état de la technique

Pour produire une publication défensive juridiquement exploitable, il est important que la publication entre dans l’état de la technique et soit en tant que telle démontrable. Pour la plupart des formes de divulgation citées ci-dessus, il est difficile de fournir une preuve. En particulier en regard de la clarté de la date de publication et de l’importance de certains détails divulgués (par exemple la mise en place interne d’un dispositif, un mode d’action), beaucoup de formes de divulgation de l’état de la technique ne sont pas adaptées à l’exécution de publications défensives.

Les brevets sont compris dans l'état de la technique

Les brevets et les procédures de divulgation sont compris dans l’état de la technique. Le contenu et la date des brevets sont incontestables. Le droit des brevets exige une description complète et un degré d’accessibilité très élevé qui ne peuvent quasiment pas être influencés.

Les demandes de brevet sont publiées 18 mois après leur date de dépôt, aussi bien selon le droit des brevets européen, américain que japonais (cf. Validité internationale). Au moment du dépôt du dossier de demande, le document détruit la nouveauté contenue dans l’état de la technique sur le territoire sur lequel la demande de brevet a été déposée. Au-delà de ce territoire, le contenu n’a pas ce statut et ne peut être soumis à une appréciation du degré d’inventivité (inventions similaires). À compter de la publication à l’issue des 18 mois, l’invention décrite dans le dossier est considérée comme appartenant à l’état de la technique en tant que publication écrite (exception : aux États-Unis, la fiction contenue dans l’état de la technique est aussi prise en compte lors de l’examen sur l’activité inventive).

D‘autre part, les démarches administratives coûteuses ainsi que les aspects temporels et économiques (coûts élevés) représentent des raisons contre les brevets déposés uniquement dans le but de créer l’état de la technique.

Les modèles d'utilité sont compris dans l'état de la technique

À l’image des brevets, les modèles d’utilité (et autres droits à la protection de la propriété industrielle) représentent un état de la technique démontrable et écrit. Ici aussi, la disponibilité est très élevée et ne peut pas être influencée.

Les principaux inconvénients de l’usage de modèle d’utilité dans le but de créer l’état de la technique sont :

  • les motifs d’exclusion de cette protection (paragraphe 2 de la Loi sur les modèles d’utilité), par exemple les procédés;
  • les dépenses administratives et les délais;
  • le fait que la demande prenne au moins plusieurs mois;
  • les coûts élevés de la rédaction (respect d’exigences formelles).

Les publications papier

Si l’on combine les prescriptions juridiques internationales relatives à la notion d’état de la technique (cf. Validité internationale) et les exigences pratiques pour la mise en place de publications défensives (démontrabilité de la date de publication, détails techniques), la description écrite s’avère être la forme la mieux adaptée. L’état de la technique sur papier est reconnu sur le plan international, non seulement pour l’appréciation des brevets mais aussi pour les modèles d’utilité et autres droits à la protection de la propriété industrielle. Il permet aussi de décrire les détails de l’invention et de démontrer la date de publication relativement facilement.

L’exemple suivant montre que le médium utilisé pour une publication sur papier peut être n’importe lequel (source : cf. Bibliographie 1.):

En 1964, BASF tenta de faire breveter un procédé de sauvetage de bateaux. Ce procédé consistait à remplir avec une pompe l’épave de boules de polystyrène afin de générer la propulsion nécessaire. L’office des brevets refusa cette demande car il la considérait comme détruisant l‘état de la technique écrit. Donald Duck avait déjà sauvé un bateau en 1949 en remplissant avec une pompe l‘épave de balles de tennis de table.

Les publications sur internet

La validité des publications sur internet en tant que publications comprises dans l’état de la technique du point de vue du droit des brevets et des modèles d’utilité est contestée. Par exemple, la loi allemande sur les modèles d’utilité requiert explicitement une "description écrite" et la loi américaine sur les brevets requiert une "printed publication" (une publication sur papier) pour l’état de la technique à l’étranger. Il n’a pas été dit par la Cour suprême si les publications en ligne étaient valables "sous forme écrite", "sous forme orale", "sous une forme quelconque" ou même "sous forme imprimée".

D’autre part, les sites internet ont une durée limitée et peuvent être ultérieurement modifiés. Il est souvent difficile de vérifier la date de publication d’un contenu précis. Pour se faire, il faut pouvoir prouver que le contenu n’a pas été modifié ultérieurement. Cependant, grâce à des procédés d’authentification et de tampons temporels digitaux, les sites internet peuvent être pourvus d’une date de publication fiable et vérifiable.

Sur le plan international, les publications en ligne peuvent faire office de moyen pour divulguer l’état de la technique dans la mesure où elles sont pourvues d’une date vérifiable. La publication en ligne n’est pas encore perçue par tous comme étant en moyen de divulgation sûr et autonome. En complément à une publication papier, elle permet une large diffusion.

L'utilisation préalable sur des salons

Sous certaines conditions, l’utilisation préalable sur des salons et lors de conférences crée l’état de la technique. Toutefois, les détails techniques utilisés sont souvent difficilement démontrables et la validité d’une utilisation préalable en tant qu’état de la technique se limite à un territoire. Par exemple, une utilisation préalable réalisée en Allemagne n’est pas considérée comme étant comprise dans l’état de la technique aux États-Unis (cf. Validité internationale).